AGRICULTURE-GENRE-REPORTAGE / A Kayar, des femmes font le pari de l’agriculture bio

Des productrices de Mbawane et Keur Abdou Ndoye, deux villages situés dans la commune de Kayar (Thiès), ont abandonné au fil des années l’agriculture conventionnelle au profit de l’agro écologie pour subvenir aux besoins de leurs familles et améliorer aussi leurs rendements après une période de baisse causée par la dégradation des sols.

Elles ont adopté des méthodes de production agricole respectueuses de l’environnement, abandonnant ainsi l’usage des produits chimiques et des pesticides pour améliorer les rendements agricoles, gagner durablement leur vie et subvenir surtout aux besoins de leurs familles.

Ces productrices, âgées de la soixantaine pour la plupart, s’adonnent à l’agriculture depuis des années. Ces braves dames se lèvent régulièrement tôt le matin, pour cultiver et entretenir leurs propres parcelles agricoles, en plus des exploitations familiales.

Mouna Fall est agricultrice à Mbawane, un village situé à plus de 66 kilomètres de Dakar, la capitale sénégalaise. Elle s’active dans l’agro écologie depuis plus de trois décennies. Pour elle, cette activité »est un moyen d’avoir des sources de revenus pour prendre en charge les dépenses familiales mais également épauler (son) mari, propriétaire de l’exploitation ».

Dans une des parcelles agricoles certifiées bio par l’ONG Enda Pronat, les feuilles de plantes distillent dans l’atmosphère un parfum unique. Des citronniers, des papayers, des courgettes, des aubergines vertes, tout y est dans ce périmètre agricole. On aperçoit des puits, des forages et des panneaux solaires sur la partie droite de cette parcelle de 1,5 hectare où le calme est par moments perturbé par des arroseurs automatiques.

»Cette exploitation est une bonne chose. Elle nous permet de survivre et de manger bio. Il n’ y a pas d’engrais chimique dans notre champ », vante Mouna Fall avant d’ajouter que »l’agro écologie permet non seulement de préserver l’environnement, mais aussi la santé des consommateurs ».

»Actuellement, tous nos produits sont bio. Quand vous les mangez, vous n’aurez aucun problème de santé », assure Mme Fall, assise sur un seau renversé dans un cadre naturel de plantations offrant une verdure panoramique introuvable à Dakar.

À Keur Abdou Ndoye, un village de la commune de Kayar distant de celui de Mbawane de quelques kilomètres, des productrices âgées pour la plupart commercialisent leurs récoltes bio, au marché dudit village. Elles exposent carottes, courges et courgettes, choux, salades et poivrons sur des sacs étalés à même le sol pour attirer la clientèle.

À l’arrière du marché de Keur Abdou Ndoye, se trouve Mayé Kâ, une productrice spécialisée en agriculture biologique. Elle est assise sur une grande natte, en compagnie d’un groupe de femmes. Elle ne tarit pas d’éloges au sujet de l’agro écologie. Elle explique que c’est grâce à leur exploitation familiale agricole qu’elle parvient à régler les dépenses de sa famille.

Cette dame de teint noir et grande de taille ajoute qu’à cause de son âge avancé, ses enfants l’aident à exploiter ses parcelles agricoles.

»Quant à moi, je m’y rends souvent pour faire le désherbage », a-t-elle précisé, soulignant que ses parcelles lui permettent de subvenir à ses besoins tandis que la grande exploitation familiale permet de régler tous les besoins financiers de la famille ». Mme Kâ a signalé par ailleurs qu’elle s’adonne aussi au petit commerce pour augmenter ses revenus afin de prendre en charge convenablement ses besoins.

Même son de cloche chez la productrice, Tiné Ndoye, ancienne présidente du Réseau national des femmes rurales du Sénégal, trouvée à son domicile familial situé en dehors du marché de Keur Abdou Ndoye.

Il est l’heure du déjeuner dans la cour de la résidence de cette grande productrice en convalescence. Quelques personnes dégustent un plat de riz. Mme Ndoye est dans sa chambre à coucher, où elle est assise sur le lit avec un voile jaune couvrant sa tête. Elle explique surveiller le développement des plantes de son champ à l’aide d’images et de vidéo prises par son fils.

»A cause de ma maladie, je surveille de loin l’évolution des variétés bio sur notre exploitation familiale de plus de 3 hectares à partir des photos et vidéos que mon fils m’envoie sur mon téléphone portable », a-t-elle expliqué d’un ton plaisantin.

Mme Ndoye a magnifié les rendements de l’agriculture biologique, une activité »rentable » qui leur permet de subvenir aux besoins de la famille en nourriture, santé, école, etc.

»Grâce à cette pratique agricole, on parvient parfois à gagner 50, 100 ou 200 mille FCFA par mois. On fait parfois des pertes aussi. Donc, cela dépend des périodes », a-t-elle rapporté, relevant que certaines spéculations n’ont pas enregistré les rendements escomptés.

La soixantaine révolue, elle a indiqué, du haut de ses 22 ans d’expérience agricole de leur exploitation familiale, avoir une fois réalisé un chiffre d’affaires de 3 millions francs CFA.

»Mais quand on a pris en compte les dépenses liées aux intrants, comme l’eau, on s’est retrouvé avec un peu plus d’un million de FCFA de recettes pour les besoins de la famille », a expliqué la présidente du Réseau national des femmes rurales du Sénégal, avant de terminer la discussion autour d’un bon plat de +Thiebou guinar+ (riz au poulet) en compagnie de Mariam Sow, directrice d’Enda Pronat, une ONG sénégalaise vouée au soutien de l’agriculture écologique, des fermes familiales et des droits des femmes.

Le Réseau national des femmes rurales du Sénégal (RNFR/S) a été mis en place par des femmes rurales leaders avec l’appui d’Enda Pronat, en 2001. Mariam Sow, experte en agroécologie à l’ONG Enda Pronat, et pionnière dans la promotion de cette pratique agricole au Sénégal, a joué un rôle très important dans la mise en place du Réseau national des femmes rurales du Sénégal, passé depuis lors de 10 femmes membres à actuellement 36 mille agricultrices, à travers le pays.

Cette septuagénaire, qui comptabilise plus de 40 ans d’expérience dans ce secteur, appelle à impliquer les femmes, les jeunes et les hommes dans la transformation durable des communautés.

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